La prévention des inondations
Et chacun de citer une raison pour expliquer la crue : les constructions récentes, les terrains imperméabilisés, l’agriculture intensive, le dérèglement climatique, la disparition des prairies, des zones humides et des étangs, les comportements parfois irresponsables de nos contemporains, élus compris, …
Tout le monde a plus ou moins raison, mais ce n’est pas cette litanie qui fera avancer les choses. On ne refait pas le passé, mais on se doit de construire un avenir meilleur.
La lutte contre une inondation est une course contre la montre, il faut ralentir l’eau en amont avant qu’elle n’aille inonder l’aval. C’est une évidence parfois bien oubliée.
De nombreuses solutions sont envisageables. On peut les classer en deux catégories : les solutions long terme et les solutions court terme.
Comme le nom l’indique les solutions long terme ne sont pas efficaces tout de suite et peuvent être longues à porter leurs fruits, mais relèvent de bonnes pratiques, souvent structurelles et pérennes. Nous y reviendrons.
Des solutions court terme sont attendues par nos concitoyens, notamment après le traumatisme de 2016 ; on a trop attendu, les inerties de toutes sortes, notamment administratives et règlementaires, en sont la cause.
Les solutions court terme vont viser à réduire le débit du courant lorsque survient un épisode pluvieux conséquent. Suivant sa géométrie, sa configuration, sa pente, sa morphologie, la nature des terrains, et d’autres facteurs, une rivière peut support un certain débit et pas plus. Quand arrivent de grandes quantités d’eau, la vitesse du courant peut s’accélérer mais atteint vite sa limite. Pour faire simple, le Grand-Morin à Couilly accepte un débit de l’ordre de 80 m3/s, le débit se calculant en multipliant la vitesse par la section. Quand le débit augmente alors que la vitesse reste limitée, c’est la section qui doit augmenter, et comme le lit de la rivière ne peut s’élargir, c’est l’inondation.
A Noter que la vitesse peut être réduite pas la présence d’obstacles ou embâcles (branchages, troncs, déchets, …), ce qui va réduire le débit admissible et donc faire déborder plus vite.
Il faut donc limiter le débit durant la période où il est trop important (plus de 80 m3/s selon notre cas), c’est-à-dire, le plus souvent durant quelques heures voire un jour ou deux sur une année. Le débit réduit sera restitué quand le pic sera passé quelques heures plus tard.
Réduire le débit cela peut se faire de différentes façons :
– sur les rus ou cours d’eau de tout ordre ramenant de l’eau dans la rivière par des passages de diamètre plus petit par exemple. Dans tous les, cas cela suppose des zones de stockage temporaire de l’eau (bassin de rétention).
– au niveau des réseaux urbains et ruraux, en privilégiant les fossés aux busages afin de permettre à l’eau de s’infiltrer plutôt que ruisseler.
– sur la rivière elle-même par des zones d’expansion des crues : on laisse inonder là où cela fait le moins possible de dégâts. Les zones humides naturelles étant les premières à privilégier. Y a-t-il encore des prairies qu’on peut inonder dans la vallée du Grand-Morin sans impact ni humain ni économique ?
Sachant que des zones d’expansion de crues peuvent aussi figurer sur les rus.
Depuis la loi sur l’eau de 2006, qui interdit de s’opposer à l’écoulement naturel d’un cours d’eau, les solutions de limitations du débit ne sont plus d’actualité. Cependant ces solutions restent pertinentes sur les fossés et autres conduits d’amener d’eau. Outre ralentir l’eau, ces zones tampon auraient des avantages supplémentaires :
– réduire la pollution, qu’elle soit issue des drainages ou des eaux de pluie,
– permettre un rechargement des nappes phréatiques.
Concernant les rus, les 4 principaux rus de la rive droite (Mesnil, Vaudessart, Liéton et Orgeval) représentent lors d’une crue décennale plus de 40% du débit du Grand-Morin. C’est dire qu’ils constituent une piste sérieuse d’actions. Ces rus viennent du plateau argileux qui surplombe la vallée, d’une région appelée autrefois la Brie des Etangs. Des étangs qui représentaient au XVIIIème siècle 180ha rien que sur la commune de Pierre-Levée.
Depuis, ces étangs ont disparu. Drainages et fossés alimentent directement les rus, auquel il faut ajouter, par exemple, les eaux qui descendent de l’autoroute droit dans le ru du Mesnil. Ou encore les eaux des réseaux de pluie des villages situés sur les hauteurs de la vallée du Grand-Morin.
Les rus de la rive gauche apportent moins d’eau. Rive droite on a des champs drainés, rive gauche, on a encore de grandes forêts comme celle de Crécy.
Enfin citons les mesures qui permettraient de limiter le ruissellement vers la vallée sur le long terme. Il s’agit d’un travail de fond, à mener en parallèle : replanter des haies, créer des zones enherbées, des fosses d’infiltration, des fossés en escalier, … Changer les habitudes de labour (perpendiculairement et non dans le sens de la pente), recréer des prairies, …
A ces mesures qui concernent la campagne, n’oublions pas celles qui touchent plus les zones urbanisées, et qui sont indispensables pour ne pas aggraver le risque d’inondation : limiter les constructions au travers des PLU, imposer des bassins de rétentions conséquents pour compenser les constructions nouvelles, traiter les eaux de pluie à la parcelle, des-imperméabiliser, créer des noues en ville, …
Concernant la limitation des embâcles évoquée plus haut, l’entretien des berges, et l’ouverture des vannes dès que nécessaire, malgré les critiques parfois émises, sont des actions qui sont efficaces pour les crues petites et moyennes, sans entreprendre les gros travaux cités plus haut. Mais il ne faut pas ménager les efforts.
Au quotidien, on comprend que le nettoyage réalisé par le Syndicat est important. Le maintien en bonne condition de la rivière et de ses berges l’est tout autant. Afin de continuer à faire un passer un débit suffisant (les fameux 80 m3/s évoqués plus haut), la rivière doit être maintenu en eaux hautes, d’où le rôle essentiel et parfois mal compris des barrages. L’été, le débit est très faible (de 2 à 5 m3/s). Sans les barrages on aurait une rivière quasi à sec, ce qui provoquerait un effondrement des berges. Au passage cela permet également de remplir les brassets de Crécy, la Venise de la Brie, brassets qui ceinturent la ville depuis le XIIIème siècle.